Gestionnaire du Jardin du Luxembourg, le Sénat veille à assurer la conservation, l’entretien et la mise en valeur de ce patrimoine d’exception. Il a ainsi entrepris de faire restaurer la Fontaine Médicis et ses bassins en 2020 et 2021.

Un peu d'histoire

A l’origine : un caprice italien de Marie de Médicis…

Vue de la grotte du Luxembourg, Durand/Janninet, XVIIIe siècle ©Bibliothèque du Sénat

Lorsqu’à la mort d’Henri IV, en 1610, Marie de Médicis devient régente du royaume de France, elle décide de quitter le Palais du Louvre, où elle s’est toujours déplu, pour faire édifier dans un quartier de Paris qui était à l’époque périphérique une résidence selon son goût. Le projet qu’elle conçoit est inspiré du style florentin, qui a marqué son enfance : le Palais du Luxembourg est ainsi commandé à Salomon de Brosse sur le modèle du Palazzo Piti, et elle confie à Tommaso Francini et à Jacques Boyceau de la Barauderie la conception des terrasses et plans d’eau du parc, dans l’esprit du Jardin de Boboli.

C’est toujours le modèle du Jardin de Boboli qui inspira la naissance de la Fontaine Médicis, puisqu’à l’origine, le monument, que l’on appelait alors « la Grotte du Luxembourg » était une réplique presque parfaite de la Fontaine de Buontalenti. Sa façade comportait trois niches, séparées par quatre colonnes. Elle était couronnée d’un grand fronton portant les armes de la France et des Médicis, encadré de part et d’autre par deux figures allégoriques allongées représentant la Seine et le Rhône, œuvres du sculpteur Pierre Biard. La niche centrale abritait un petit bassin, mais celui-ci restera sans effet d’eau jusqu’au début du XIXème siècle.

La « Grotte » formait alors, à l’Est du jardin, un fond de perspective à l’allée qui longeait la façade Sud du Palais en direction de la rue d’Enfer. Un mur en pierre de taille décoré de fausses arcades masquait aux regards les bâtiments de cette rue mal famée.

... revisité par la poésie de Gisors

La première restauration du monument, réalisée en 1799 par Jean-François Chalgrin, architecte du Palais du Luxembourg, permit de rénover les figures fluviales alors ruinées, d’agrémenter la niche centrale d’une petite Vénus et d’alimenter en eau son bassin grâce à l’aqueduc d’Arcueil : la Grotte devint ainsi Fontaine.

L’étonnant plan d’eau de la Fontaine donnant l’illusion d’une pente, © Sénat – Gérard Butet

Mais c’est à l’occasion des grands travaux de réaménagement de la ville de Paris menés par le Baron Haussmann en 1860 que la Fontaine trouva son emplacement et son apparence actuels : le percement de la rue de Médicis nécessita en effet son déplacement d’une trentaine de mètres vers le Nord-Ouest. Ce fut Alphonse de Gisors, architecte du Palais du Luxembourg, qui la sauva de la destruction en la faisant démonter puis remonter pierre par pierre.

La Fontaine actuelle, Lorrain, XXe siècle, © Bibliothèque du Sénat

Ce déménagement marqua pour la Fontaine Médicis une seconde naissance : en effet, Alphonse de Gisors aménagea à cette occasion devant elle, entre deux allées de platanes, un long bassin, dont l’architecture en trompe-l'œil, qui donne l'illusion d'un plan d'eau incliné, constitue une curiosité bien connue des amateurs.

C’est également à lui que nous devons les sculptures commandées à Auguste Ottin pour agrémenter les niches.

C’est à la même époque que lui fut accolée, sur sa façade orientale, une seconde fontaine, la Fontaine de Léda (initialement située à l’angle des rues du Regard et de Vaugirard), elle aussi rescapée des grands travaux du Baron Haussmann.

La Fontaine Médicis fut classée Monument historique en 1889.

Un monument aux multiples facettes

Polyphème, Acis et Galatée, © Sénat – Gérard Butet

La légende d’Acis et Galatée*

Selon la légende, la nymphe Galatée fut surprise avec son amant le berger Acis par le cyclope Polyphème qui, jaloux, écrasa Acis sous un rocher.

La niche centrale met en scène cet épisode mythologique : le groupe en marbre blanc représente, en une gracieuse et langoureuse attitude, Acis et Galatée ; penchée au-dessus du couple, la statue de bronze, massive et sombre, de Polyphème les épie et se prépare à lancer un rocher sur son rival.

Inconsolable, Galatée demanda alors aux dieux de transformer le sang d’Acis en un fleuve se déversant dans la mer. Son amant pouvait ainsi rejoindre symboliquement la nymphe en se mêlant à son élément…

Le long plan d'eau s'écoulant depuis la statue du couple enlacé fait référence à cette métamorphose.

* Ovide, Les métamorphoses

De part et d’autre du groupe central, les deux niches accueillent un jeune Faune et une Diane chasseresse qui assistent au drame.

Faune et Diane © Sénat – Gérard Butet
La Fontaine de Leda, © Sénat – Gérard Butet

La légende de Léda et du Cygne*

La façade orientale de l’édifice (Fontaine de Léda) présente un bas-relief exécuté en 1807 par Achille Valois mettant en scène les ébats de Léda, épouse de Tyndare, et de son amant Jupiter métamorphosé en cygne.

Selon la légende en effet, Jupiter avait pris la forme d’un cygne pour séduire la jeune femme. Leur union donnera naissance à Castor, Pollux (les « Dioscures »), Hélène (épouse de Ménélas, qui sera à l’origine de la Guerre de Troie) et Clytemnestre (épouse d’Agamemnon).

* Homère, l’Odyssée

Le Chantier

L’état des lieux

Le monument présentait des désordres, dégradations et fragilités importants. Le Sénat en a fait réaliser un état des lieux détaillé, mettant en évidence des interventions indispensables :

  • sur l’édifice qui présente des pierres manquantes, des fissurations, de la pulvérulence…
  • sur sa statuaire avec notamment la détérioration de la statue de Polyphème et des allégories fluviales ;
  • sur ses deux bassins et son dispositif hydraulique, très vétuste.
     

Le programme de restauration

Le programme de restauration de la Fontaine Médicis et de ses bassins, conduit sous le contrôle de l’Architecte en chef du Sénat, comprend les interventions suivantes en 2020 et 2021.

Les travaux de maçonnerie/pierre avaient pour objet le remplacement des blocs manquants ou endommagés, la consolidation de l’édifice et notamment des supports des statues, la reprise des décors sculptés et le nettoyage de la pierre, afin de lui redonner son aspect d’origine.

La statue de Polyphème, en bronze massif, mesure 2,80 m x 2,50 m x 2,30 m et pèse environ 2 tonnes. La restauration complète du cyclope ainsi que de son armature métallique impliquait leur dépose et leur transport en atelier.

La restauration des statues d’Acis et Galatée, en marbre blanc, et de celles du Faune et de Diane, en pierre claire, était prévue dans l’atelier implanté directement dans le bassin de la Fontaine.

Les statues allégoriques de la Seine et du Rhône, trop abimées pour être conservées, ont été remplacées à l’identique.

Le dispositif d’évacuation des eaux pluviales a été remplacé, ainsi que les éléments de couverture sur les corniches, le fronton et les escaliers d’eau situés au pied du monument.

L’étanchéité des bassins a été reprise et le système hydraulique rénové. Une nouvelle pompe, plus puissante, a été installée sous le plan d’eau, afin d’améliorer la circulation hydraulique au niveau des escaliers d’eau et du jet d’eau de la Fontaine de Léda.

Les murets, parapets et grilles des bassins ont été restaurés à l’identique.

La face arrière de la Fontaine (Fontaine de Léda), visible depuis la rue de Médicis, a été dotée d’un éclairage décoratif qui permettra une mise en lumière du coucher du soleil jusqu’à une heure du matin.

La Fontaine Médicis après les travaux de restauration