Le Jardin du Luxembourg possède un lien très particulier avec les écrivains. Rien d'étonnant pour ce parc emblématique de la capitale des arts. D'Alphonse de Lamartine à Charles Péguy, découvrez plusieurs écrivains dans l'ordre chronologique de parution.

Alfred de Musset
La Confession d'un enfant du siècle, 1836

En mêlant l'autobiographie à la fiction, ce roman retrace la romance entre Alfred de Musset et la romancière George Sand. Les deux amants sont respectivement incarnés par Octave et Brigitte Pierson. À travers le regard de ce premier, l'auteur réalise une analyse de la société : la sociologie des personnes qui l'entourent, mais aussi le "mal du siècle" (d'où le terme "confession" dans le titre), ce mal qui touche sa génération, née à l'issue de la Révolution française et grandissant sous l'empire napoléonien.

"Quelques raisons de prudence lui avaient fait choisir un quartier éloigné du centre de la ville ; peut-être avait-elle ailleurs un autre appartement, car elle recevait quelquefois. Les amis de son amant venaient chez elle, et la chambre où nous étions n'était sans doute qu'une sorte de petite maison ; elle donnait sur le Luxembourg, dont le jardin s'étendait au loin devant mes yeux."

"L'aspect des allées du Luxembourg me fit bondir le cœur, et toute autre pensée s'évanouit. Que de fois, sur ces petits tertres, faisant l’école buissonnière, je m’étais étendu sous l’ombrage, avec quelque bon livre, tout plein de folle poésie ! car, hélas ! c’étaient là les débauches de mon enfance."

Alphonse de Lamartine
Nouvelles méditations, 1849

Après le succès de son recueil de poèmes Méditations poétiques en 1820, Lamartine produit une seconde édition en 1849, complétée de nouveaux poèmes. Dans celle-ci, l’un des poèmes, « Tristesse », évoque ses amours napolitaines.

Dans des notes de commentaires parues en 1860, Lamartine indique se promener dans le Jardin du Luxembourg pour se plonger dans ses amours de jeunesse. Le Luco devient un lieu de détente pour les artistes parisiens du milieu du XIXe siècle en quête d'inspiration.

"Je m'accoudai sur ce mur [...] Quand je me relevai, la pierre était tachetée de mes larmes [...] Je ne passe jamais au Luxembourg sans m'approcher de ce petit mur."

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Gérard de Nerval
Odelettes, 1853

Figure majeure du romantisme français, Gérard de Nerval écrit Odelettes, un recueil de poèmes, entre 1832 et 1839. Il est publié en 1853. L'un des poèmes les plus célèbres est Une allée du Luxembourg, dans lequel il décrit les émotions qu'il ressentit en voyant passer une jeune fille dans le Jardin du Luxembourg.

"Elle a passé, la jeune fille
Vive et preste comme un oiseau
À la main une fleur qui brille,
À la bouche un refrain nouveau.

C’est peut-être la seule au monde
Dont le cœur au mien répondrait,
Qui venant dans ma nuit profonde
D’un seul regard l’éclaircirait !

Mais non, ma jeunesse est finie…
Adieu, doux rayon qui m’as lui,
Parfum, jeune fille, harmonie…
Le bonheur passait, – il a fui !"

Victor Hugo
Les Misérables, 1862

Dans son célèbre roman, l'ancien sénateur de la Seine décrit la vie de pauvres gens des différentes régions de France. Dans la troisième partie des Misérables, le personnage Marius est l'incarnation du Victor Hugo de ses 20 ans. Marius se rend tous les jours au Jardin du Luxembourg, où il croisera pour la première fois Jean Valjean et Cosette, qu'il prend pour un père et sa fille.

"Un jour, l'air était tiède, le Luxembourg était inondé d'ombre et de soleil, le ciel était pur comme si les anges l’eussent lavé le matin, les passereaux poussaient de petits cris dans les profondeurs des marronniers."

De même, dans la cinquième partie, nommée Jean Valjean, un long passage évoque le Jardin :

"Le 6 juin 1832, vers onze heures du matin, le Luxembourg, solitaire et dépeuplé, était charmant. Les quinconces et les parterres s'envoyaient dans la lumière des baumes et des éblouissements.

Les statues sous les arbres, nues et blanches, avaient des robes d’ombre trouées de lumière ; ces déesses étaient toutes déguenillées de soleil ; il leur pendait des rayons de tous les côtés."

Émile Zola
Le vœu d'une morte, 1866

Initialement paru en feuilleton dans le quotidien L'Événement, le roman Le vœu d'une morte s'inscrit dans Les Rougon-Macquart, un ensemble de vingt romans où l'on voit l'évolution de la vie d'une famille sur plusieurs générations. Comme les autres romans de cette série, Le vœu d'une morte offre une perspective sociologique en retraçant le parcours de Jeanne, une jeune femme malheureuse dans son mariage et qui tombe sur un parchemin sur lequel est inscrit le vœu d'une femme décédée. L'histoire relate l'épopée de Jeanne, qui tente de réaliser ce vœu.

"Le hasard l'avait amené devant une des portes du Luxembourg, celle qui s'ouvre presque en face de la rue Bonaparte. Il entra dans le jardin et chercha un banc, car il était brisé de fatigue.

Sous les marronniers, des enfants jouaient, courant et poussant des cris aigus. Les bonnes, avec leurs robes claires, se tenaient debout, causant entre elles; quelques-unes étaient assises et écoutaient en souriant des hommes qui leur parlaient à voix basse."

Guy de Maupassant
Contes de la bécasse - "Menuet", 1882

Cette nouvelle se déroule dans l'ancienne pépinière du Jardin du Luxembourg, aujourd'hui disparue à la suite des travaux du baron Haussmann. On y retrouve Jean Bridelle, maître de danse à l'Opéra sous Louis XV et son épouse, Castris, grande danseuse de l'époque. Il raconte comment les deux amoureux se retrouvent tous les jours à la pépinière pour y danser le menuet, une danse traditionnelle de la musique baroque.

"J'ai cinquante ans. J'étais jeune alors et j'étudiais le droit. Un peu triste, un peu rêveur, imprégné d'une philosophie mélancolique, je n'aimais guère les cafés bruyants, les camarades braillards, ni les filles stupides. Je me levais tôt ; et une de mes plus chères voluptés était de me promener seul, vers huit heures du matin, dans la pépinières du Luxembourg. [...] Vous ne l'avez pas connue, vous autres, cette pépinière ? C'était comme un jardin oublié de l'autre siècle, un jardin joli comme un doux sourire de vieille. Des haies touffues séparaient les allées étroites et régulières, allées calmes entre deux murs de feuillage taillés avec méthode. Les grands ciseaux du jardinier alignaient sans relâche ces cloisons de branches ; et, de place en place, on rencontrait des parterres de fleurs, des plates-bandes de petits arbres rangés comme des collégiens en promenade, des sociétés de rosiers magnifiques ou des régiments d'arbres à fruits."

Théodore de Banville
Mes souvenirs, 1882

Mort en 1891 dans le quartier du Luxembourg (au 10 rue de l'Éperon), de Banville est connu pour ses œuvres qui mêlent le romantisme et le Parnasse. Dans son recueil Mes souvenirs paru en 1882, le poète revient sur différents moments de sa vie et évoque notamment le Jardin du Luxembourg.

"Si vous voulez admirer un des plus beaux spectacles du printemps, allez voir au Luxembourg les arbres fruitiers tout fleuris, dont le savant et féroce arboriculteur a tordu, étendu, étagé les rameaux, pour les obliger à former des rotondes, des palais, des corbeilles, des éventails, des urnes, dont les lignes sont dessinées par les fleurs blanches ou roses, éclatant impérieusement, comme des points de lumière."

Rainer Maria Rilke
Le Manège, 1906

Rilke, écrivain autrichien, a mené une vie de voyages entrecoupés de longs séjours dans la ville lumière. Il vit notamment à proximité du Jardin du Luxembourg (au 11 rue Toullier) d'août 1902 à juin 1903. Cette proximité avec le Jardin l'amène en 1906, à écrire en allemand un poème sur le manège du Jardin du Luxembourg.

"Il y a un toit, il y a aussi son ombre,
c'est le manège qui tourne pour un court instant,
il y a des chevaux multicolores, tous venus du pays
qui longuement hésite avant de sombrer.
Si certains sont attelés à une carriole,
tous arborent un profil empreint de courage ;
il y a également un lion rouge et menaçant,
et de temps en temps un éléphant blanc.

Il y a même un cerf, tout comme dans la forêt
si ce n'est qu'il porte une selle, et, assise dessus,

il y a une petite fille bleue que les courroies retiennent."

Charles Péguy
De la situation faite au parti intellectuel dans le monde moderne devant les accidents de la gloire temporelle, 1907

Mort pour la France en 1914, Charles Péguy a écrit entre 1907 et 1908 Situations, un recueil d'essais explorant des questions philosophiques et politiques avec poésie. Dans De la situation faite au parti intellectuel dans le monde moderne devant les accidents de la gloire temporelle, l'écrivain critique le positivisme moderne et dénonce le mépris des traditions. Il y parle du Jardin du Luxembourg, un bel héritage du passé à ses yeux qu'il souhaite défendre.

"Une ville où en août et en septembre, quand vous êtes seul à Paris, vous avez un Luxembourg, un jardin, devant la porte de votre gare, les plus belles fleurs du monde dans le plus beau jardin du monde […] en cette saison, le plus parfaitement dessiné, et qui sait se taire. […] Où vous avez ce Luxembourg ami pour ainsi dire à vous tout seul. Et vous êtes encore un très grand nombre qui l’avez ainsi à vous tout seuls. Et en septembre le soleil a un goût si fin, si ambré, si reposoir, d’une lumière si rare, après la légère, après la transparente buée de septembre du matin, si reposée, avant la rentrée, avant les travaux, avant les grands troubles du dernier automne, du deuxième automne, d’une clarté si pure et si arrêtée, d’une admirable tiédeur d’adieu, calme, d’une odeur de fruit, d’une senteur de rose d’automne (une rose d’automne est plus qu’une autre exquise) et non pas encore de grande feuille sèche, passage de l’extérieur à l’intérieur, du plein air et du plein soleil aux intimités du foyer, approchement des veillées d’hiver, sentiment poignant double face, attente et crainte, espoir, calme, avec, peut-être, un soupçon de regret."

Anatole France
Le Livre de mon ami, 1923

Dans ce roman du prix Nobel de littérature, le personnage de Pierre Nozière se replonge dans ses souvenirs d'enfance, faisant référence à la jeunesse parisienne d'Anatole France. Nozière parle alors du Jardin du Luxembourg comme d'un lieu dont le charme perdure en automne, saison de la mélancolie.

"Je vais vous dire ce que je vois quand je traverse le Luxembourg dans les premiers jours d'octobre, alors qu'il est un peu triste mais plus beau que jamais ; car c'est le temps où les feuilles tombent une à une sur les blanches épaules des statues. Ce que je vois alors dans ce jardin, c'est un petit bonhomme qui, les mains dans les poches et sa gibecière au dos, s'en va au collège en sautillant comme un moineau. Ma pensée seule le voit ; car ce petit bonhomme est une ombre ; c'est l'ombre du moi que j'étais il y a vingt-cinq ans."

André Gide
Si le grain ne meurt, 1926

Dans ce récit autobiographique, le prix Nobel de littérature de 1947 retrace son enfance parisienne puisqu'il résidait au 19 rue de Médicis, devenu aujourd'hui le 2 place Edmond-Rostand. Le Luco prend une place particulière dans l'œuvre de Gide, dans laquelle le Jardin est présenté comme un lieu fondateur : c'est d'une part le lieu de ses premiers souvenirs et d'autre part le lieu où il prend conscience de "l'immortalité" de l'être.

"Je revois les dragons de papier, découpés par mon père, que nous lancions du haut de ce balcon, et qu'emportait le vent, par-dessus le bassin de la place, jusqu'au jardin du Luxembourg où les hautes branches des marronniers les accrochaient. [...] On m'emmenait au Luxembourg ; mais je me refusais à jouer avec les autres enfants ; je restais à l'écart, maussadement, près de ma bonne ;  je considérais les jeux des autres enfants."

Simone de Beauvoir
Mémoires d'une jeune fille rangée, 1958

Née en 1908, la philosophe écrivaine féministe grandit à Paris où elle côtoie le quartier du Luxembourg et de Saint-Germain-des-Prés. C'est dans le Jardin que Beauvoir et Sartre scellent le pacte qui les unit. Dans son livre autobiographique, elle revient sur ses pensées philosophiques et notamment politiques.

"Je hurle tout au long du boulevard Raspail parce que Louise m'a arrachée du square Boucicaut où je faisais des pâtés. Dans ces moments-là, ni le regard orageux de maman, ni la voix sévère de Louise, ni les interventions extraordinaires de papa ne m'atteignaient. Je hurlais si fort, pendant si longtemps, qu'au Luxembourg on me prit quelques fois pour une enfant martyre. "Pauvre petite !" dit une dame en me tendant un bonbon. Je la remerciai d'un coup de pied."

Jacques Prévert
Choses et autres, 1972

Le poète, parolier et scénariste, a grandi à Paris, rue de Vaugirard, la rue qui borde le Palais du Luxembourg et qui délimite le nord du Jardin. Connu pour son usage du l'argot et ses torsions de langage, il évoque le Luxembourg de sa jeunesse.

"Le Luxembourg. C'est là où, pendant des années, je devais passer mes vacances avant d'aller plus loin, avant d'entreprendre, avec les copains, sur le tampon des trams ou au cul des camions, les grands voyages à Billancourt, à la Vache Noire ou à Issy-les-Moulineaux, le tour du monde de Paris, du quai de Bercy au Point-du-Jour.

Le Luxembourg, pour moi, c'était tout de même plus grand que le Bois puisque je pouvais aller m'y promener tout seul, mais l'herbe, sauf les pigeons et les jardiniers, personne n'avait le droit d'y poser les pieds. Cela devait appartenir à quelqu'un puisque les gardiens la gardaient, cette herbe."

Source des photos : gallica.bnf.fr / BNF

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